L'artillerie à poudre
L’apparition de l’artillerie à poudre constitue la
plus grande avancée technologique en matière militaire des derniers
siècles du Moyen Âge. La recette de la poudre noire (mélange de
salpêtre, de soufre et de charbon) provient de Chine et se répand en
Europe dans la première moitié du XIIIe
siècle. L’usage de la première arme à feu est attesté en 1326 par
une représentation d’un « pot-de-fer » extraite d’un manuscrit
anglais destiné à l’éducation du jeune roi Édouard III (1327-1377).
Les canons en bronze ou fer forgé font ensuite leur
apparition sous diverses appellations comme les « bouches à feu » ou
« bombardes ». Lourdes, peu maniables et dangereuses à cause du
risque d’explosion, ces armes restent dans un premier temps
cantonnées à la guerre de siège où elles sont utilisées en même
temps que l’artillerie à contrepoids incarnée par les trébuchets et
mangonneaux.
Les progrès rapides de la métallurgie et l’apparition
d’un personnel spécialisé – les canonniers – permettent de rendre
les canons plus sûrs et efficaces si bien qu’au début du XVe
siècle, grandes puissances et riches cités possèdent leur propre
arsenal. Les Registres de la Jurade
de Bordeaux attestent dès 1406 que la capitale gasconne est
équipée d’engins à poudre directement encadrés par la Jurade (t. III,
version éditée sur le site de la
Bibliothèque de Cujas, p. 2) et en 1414 leur gestion
est confiée à un « maître des canons de la ville ». Mentionnée en
1420, la fabrication de cette nouvelle artillerie est facilitée par
la présence à Bordeaux de nombreux forgerons ou «
faures » – déjà réputés pour
leur production d’armes de qualité – et de charpentiers (Registres
de la Jurade de Bordeaux, t. IV, version éditée sur le site de
la
Bibliothèque de Cujas, p. 447)
Dans les Rôles gascons,
l’usage des canons est rarement signalé et concerne soit la défense
d’une place-forte, soit les dégâts causés par les tirs. Un acte daté
du 24 février 1433 stipule ainsi qu’en raison de la menace pesant
sur leur ville, les habitants de Saint-Sever (Landes) sont exemptés
de toute taxe pour une durée de trois ans et cela afin qu’ils
puissent financer la garnison et les équipements défensifs de la
cité. Parmi ces derniers, le texte mentionne notamment des canons et
des arbalètes (C61/125,
11, membrane 14, 26). Le 22 mars 1347 encore, à
l’occasion de la donation du château de Castelnau-de-Cernés (au
sud-ouest de Langon) à Francès de Montferrand, le document nous
apprend que les canons anglais ont grandement endommagé les murs de
la forteresse lors de sa reconquête (C61/127,
15, membrane 9, 23).
Devenu plus petit et plus maniable, le canon joue au
milieu du XVe
siècle un rôle décisif lors des batailles rangées.

Représentation
d’une bombarde tirant un boulet.
Bibliothèque nationale de France,
Chroniques de Jean de Froissart,
FR 2643, folio 165, XVe
siècle
Les Français voient dans l’usage de cette arme
l’occasion de contrer enfin les redoutables archers anglais qui ont
décimé leur chevalerie à Crécy (1346), Poitiers (1356) et Azincourt
(1415). C’est en investissant massivement dans l’artillerie à poudre
qu’ils parviennent à défaire les Anglais le 17 juillet 1453 à
Castillon et à achever la conquête du duché d’Aquitaine.
L’apparition de l’arquebuse au XVIe
siècle fait définitivement disparaître l’arc et l’arbalète des
armées anglaises et françaises. |